Chaque fois que mon pied touche le sol, pendant que mon esprit se repose sur mon coeur accueillant, je reçois le souffle aimant de la nature.
Marie-Jeanne Anctil, Marcher vers soi.

 

J’ai souvent été impressionnée par les marches interminables, ces trajets de pèlerins, qui laissaient un mystère et un goût de liberté sur mes lèvres. Un jour, jeune maman, je suis sortie de chez moi tôt le matin et mes pieds nus ont touchés la terre du rang 5 ouest encore humide de rosée.

Un pas devant l’autre, j’étais en quête d’un ressourcement, avant la journée de dévotion que j’allais mener avec mes petits.

L’or du matin touchait les cimes de la montagne, effleurant mes joues de sa douce lumière.

Embrassant la fraîcheur du jour, je marchais sur cette terre qui accueillait mes pieds souples et doux, sans permission. Sans jugement et sans commentaire.

Je vivais la paix de l’aube. Le silence des mots et du monde montait en moi pour accueillir le chant des oiseaux, le vent dans les feuilles et l’eau qui ruisselait discrètement, éveillant la magie des bois.

Cette majestueuse,  je lui ouvrais mon être et elle me remplissait. Je n’étais plus un individu qui marche sur le chemin bordé d’elle. Il n’y avait plus moi et elle, cette nature brillante de bontés. Il y avait elle en moi et moi en elle. J’étais ses qualités, sa joie, son air, son parfum. Nous étions la vie, ensemble. Nous étions la rosée, le bruissement du matin, nous étions le reflet dorée sur la source, le chuchotement des clapotis sur les roches.

Dans cet instant de reliance, un élan d’amour innocent et naturel m’envahit. Cette nature généreuse se donnait entièrement, avec cette terre qui me portait, et ce rose doré dessinant doucement le bleu du ciel. Je me sentais complète, entière et libre.

Mon coeur connecté sur la fraîcheur du matin qu’elle émanait, et mon souffle, qui tirait en moi les gouttes d’eau des étoiles que je voyais s’envoler au soleil. Des fragrances divines qu’elle offrait sans réserve, à celui qui était sur le chemin.

Je vivais la paix. La paix de l’amour.

 

A ce moment, j’ai réalisé ma première marche pèlerine, sans chercher à le faire. À ce moment, j’ai compris que je pouvais marcher autrement. Qu’il suffisait de sortir dehors, sentir mon corps en mouvement, calmer mes pensées et déposer mon esprit sur mon coeur accueillant. Dans le silence de mon être, me relier avec elle, la magnifique, pleine de grâce, et laisser mon coeur s’ouvrir sur la beauté du jour. Puis, percevoir que la beauté du jour vit aussi en moi. Cela est pour moi, une marche pèlerine.

Quand mon esprit est agité, je ne vois pas le monde dans sa vérité. Je suis isolée dans mon corps et dans mon monde. Il y a moi et il y a elle, la magnifique. Il n’y a pas moi en elle et elle en moi. Et je ne vois même plus ses merveilles. Je suis séparée de la vie. Je suis vieillie, aigrie. Je suis zombie.

Comment je fais pour me retirer si souvent ces moments de grâce.

Comment je fais pour oublier qu’elle est là, la magique.

Comment je fais pour parcourir ses chemins sans la voir vraiment.

Comment je fais pour amoindrir sa beauté.

Comment je fais pour échapper à son accueil fécond.

Comment je fais pour échapper à moi-même.

Comment je fais pour ne pas me voir.

Je vis dans mes pensées. Mes préoccupations. Mes routines. Je vis pour demain en vivant hier. Je vis ma mère, mon père et mes aïeux. Je perds. Je perds mon coeur, mon souffle et ma joie. Je perds ma vie. Je gagne aussi. Je gagne ce que je sais, ce que je crois, ce que je ne sais pas que je crois. Je gagne des batailles et des luttes. Je gagne des efforts sans fins. Je m’épuise. Je gagne des inconforts, des douleurs, des doutes.

Et quand je me réveille, j’ouvre la porte et je sors branlante, brisée. Je la vois et je me sens. Je la regarde, la magnifique. Et je tend mon pas innocent vers elle, par amour, par vérité. Parce que je reconnais mes origines en elle. Parce que je sais qu’elle est là. Parce que je me souviens sa bienveillance. Elle me prend dans ses bras, me berce, me caresse, me demande rien. Elle est toujours là, c’est moi qui part ailleurs. Dans mon habitude. Mon habit tue.

Marcher et revenir à la source de soi, avec la magnifique, c’est une bénédiction, un art de vivre. C’est l’art de marcher vers soi. Souvent les gens sont étonnés quand je leur dit que je ne fais pas de grandes randonnées, que je n’ai pas encore marché sur les chemins silencieux. Pourtant, moi j’ai le sentiment d’y aller souvent, depuis ce matin où j’ai ouvert la porte et j’ai rencontré pour la première fois, le plus beau pèlerinage sur les traces du rang 5 ouest.

N’attend pas, ton Compostelle est déjà là. Ouvre la porte, ouvre les yeux et apporte ton esprit se reposer sur ton coeur qui l’attend.  Rejoins la magnifique, dans un élan de vérité. Le corps au grand air, les deux pieds dans la vie!

Marie-Jeanne Anctil

Marcher vers soi

marcherverssoi.com

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